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Lansiné Diabaté

Le balafon

Le bala (balo, balani, balafou, balafon) dit ‘‘balafon’’ en français, est un xylophone (du grec xylo, bois et phon, son) d’Afrique Occidentale. Il s'agit d'un idiophone à lames de bois dur fixées sur un support - cadre ou châssis à résonateurs multiples1. Les lames sont frappées avec une paire de mailloches, chacune étant terminée par une boule de caoutchouc ou de cuir.

Le nom de l’instrument en langue mandé ou malinké est bala. Ce nom, avec l’ajout de la terminaison fon, donne ‘‘balafon’’, ce qui signifie : « (faire) parler le bala » et c’est finalement le mot balafon qui est resté pour les occidentaux.

Les xylophones en Afrique subsaharienne sont nombreux. On en trouve presque partout, de la Guinée (à l'ouest) à l’Ethiopie (à l'est) et de la Centrafrique à l’Afrique du Sud. Il en existe des formes très diverses, du « xylophone sur jambes » au « xylophone sur troncs de bananier » en passant par le « xylophone sur fosse », sans oublier le xylophone sur cadre ou châssis et à résonateurs de calebasse comme le balafon.

Certains sont portables, que l’on peut jouer en bandoulière, tout en se déplaçant. Les autres sont posés à même le sol et c’est la position assise qui s’impose au musicien, ou debout si le balafon est monté sur pieds, à l’instar d’un métallophone ou d’un vibraphone de jazz. Le balafon est le xylophone emblématique de l’Afrique de l’Ouest, étroitement lié à l’histoire de l’ancien Empire mandingue dont la langue véhiculaire est le malinké. La présence de xylophones de ce type est attestée dans cette région dès le XVIIème siècle, peut être au XIXème siècle par Ibn Battuta1, et même avant selon les épopées transmises oralement et récités par les griots.

Hormis les petits instruments de quatre ou cinq lames, la plupart des balafons possèdent entre quinze et vingt lames, voire plus. Ceux de la région de Kankan (Guinée), joués par Lansiné Diabaté, en possèdent dix-huit à vingt-trois. Les résonateurs sont généralement faits de calebasses séchées, suspendues sous chaque lame. Ceux-ci sont dotés de mirlitons qui produisent un grésillement visant à enrichir le timbre. Ils consistent en une petite ouverture recouverte de cocons de toile d’araignée, de peau de poisson ou d’aile de chauve-souris, plus récemment de morceaux de sacs en plastique.

Le balafon peut être accordé selon diverses gammes (ou échelles) musicales, comme la gamme pentatonique ou encore la gamme équiheptaphonique [lien vers fiche équihepta], de sept intervalles égaux dans une octave (chaque intervalle étant alors inférieur à un ton, soit +/- 171, 4 cents).

Avec la kora (harpe-luth), le balafon est un des instruments de musique de prédilection du griot [lien vers la fiche griot] ou jéli (djéli), musicien professionnel. Comme certains tambours, le balafon est souvent « parlant »1 et l’on ne s’étonnera pas si celui-ci, entre les mains du griot, raconte des histoires : celle de l’empire mandingue, ou celles de grandes familles aristocratiques s’il accompagne des fêtes et des funérailles, par exemple. Une évolution est apparue au XXe siècle : des musiciens non griots se sont saisis du balafon en l’utilisant hors de son contexte traditionnel.


Références bibliographiques

Bebey, Francis, Musique de l’Afrique, Horizons de France, 1969, p. 99-105

Dournon, Geneviève, « Instruments de musique du monde: foisonnement et systématiques », In: Musiques, une encyclopédie pour le XXIe siècle, vol. 5, L’unité de la musique, sous la direction de Jean-Jacques Nattiez, Actes Sud/Cité de la Musique, 2007, pp. 833-868.

Gourlay, K. A. ; Duran, Lucy, article « Balo » in: New Grove Dictionary of musical instruments, ed.Stanley Sadie, 1984.

Rouget, Gilbert, Afrique musiquante, avec CD encarté, ch. VII : Xylophones, Riveneuve Editions, 2014, pp. 135-155.

Tranchefort, François-René, Les instruments de musique dans le monde, vol. 1, Seuil, 1980, pp. 71-75.

Zemp, Hugo, « Paroles de balafon », L’Homme, 171-172, avec CD encarté, 2004, pp.313-332.


Discographie

Dournon, Geneviève et Schwarz, Jean, Instruments de musique du monde, CD + livret 119 p., Collection du CNRS et du Musée de l’Homme, Le Chant du Monde, LDX 274675 - CM 251, Harmonia Mundi, 1990

Rouget, Gilbert, Guinée : musique des Malinké, CD + livret 98 p., Collection du CNRS et du Musée de l’Homme, Le Chant du Monde, Harmonia Mundi, 1999.

Xavier Barois


La gamme (échelle) équiheptaphonique 

Ce que, en musique, on appelle gamme (ou échelle), est l'ensemble des notes (ou hauteurs), à l'intérieur d'une octave*, utilisées pour jouer tel ou tel répertoire, telle ou telle pièce musicale. La gamme couramment utilisée en occident est heptaphonique (c'est ce que veut dire Lansiné Diabaté lorsqu'il dit « accordé au diapason »). Elle se compose de sept sons, espacés par des intervalles inégaux, c'est pourquoi ont dit qu'elle est diatonique: tons (do-ré, ré-mi, fa-sol, sol-la, la-si) et demi-tons (mi-fa, si-do). Ceux-ci sont distingués sur un piano grâce aux touches blanches (un ton entre deux touches successives) et aux touches noires (un demi-ton entre une touche blanche et une touche noire). Ainsi, contrairement aux apparences, les touches blanches ne représentent pas des intervalles sonores égaux, même si elles sont espacées régulièrement.

Dans notre système classique occidental, on peut jouer dans une gamme majeure [par exemple, do majeur : do - ré - mi - fa - sol - la - si - (do)] ou en dans une gamme mineure [par exemple, do mineur : do - ré - mi bémol - fa – sol – la bémol – si – (do)]. Alors que ce type d'échelle est très répandu et dominant dans le monde, l'échelle équiheptaphonique est beaucoup plus rare et ne se trouve que dans quelques régions très éloignées les unes des autres : les Îles Salomon en Mélanésie, certaines régions d'Afrique de l'Ouest, d'Asie du Sud-Est ou encore du le Mexique.

(Schéma de Hugo Zemp, 1978)

Comme son nom l'indique, l'échelle équiheptaphonique est constituée de sept hauteurs (sept notes) séparées par des intervalles égaux à l'intérieur d'une octave. En d'autres termes, elle découpe une octave en sept parties égales. Elle se caractérise donc par une dépolarisation de la tierce, qui se trouve n’être ni mineure, ni majeure, mais neutre. Sur le xylophone « traditionnel » joué par Lansiné, elle donne lieu à cinq gammes, identiques puisque les intervalles sont toujours équidistants, mais nommées différemment en fonction de leur hauteur de départ. Dans un système musical de tradition orale, l’accordage de l’instrument selon un « patron équiheptaphonique » est effectué à l’oreille, en suivant un élément de référence ou non. Le Sosso bala par exemple, premier et légendaire xylophone (bala ou balafon) sosso/malinké du XIIème siècle est conservé en Guinée, où il est considéré comme l’instrument d’accordage référent de tous les bala équiheptaphoniques. Il ne l’est évidemment pas dans la pratique de tous les jours, où les musiciens se débrouillent sans l’instrument mythique. Dans un tel contexte, l’intervalle séparant deux sons d’une échelle équiheptatonique est plus ou moins précis, amis les mesures effectuées par l'ethnomusicologue Gilbert Rouget en 1952 ont révélé une grande précision dans l'accordage.

L’échelle équiheptaphonique existe en plusieurs points du globe sans qu'il ait de rapports historiques entre eux (par exemple en Mélanésie dans les îles Salomon où Hugo Zemp les a étudiées ; cf. Zemp 1973, 1978). Elle est cependant de plus en plus rare, notamment en Afrique de l’Ouest où l’influence des musiques occidentales tend à diffuser plus largement la gamme occidentale dite « tempérée ». Notons qu'il existe donc d'autres « tempéraments » que le tempérament occidental, comme ce tempérament propre au nord de la Guinée. En France, Lansiné Diabaté joue le plus souvent avec un balafon accordé (ou tempérée) à l'occidentale pour pouvoir joueur avec d'autres musiciens européens, mais il enseigne sur la gamme équiheptaphonique grâce aux ateliers proposés par la ville de Nanterre.

* - Une octave est l'intervalle compris entre deux notes perçues comme équivalentes dans le grave ou dans l'aigu : de do à do, de ré à ré ou de fa à fa par exemple.

Vincent Palladines


Références bibliographiques

The New Grove Dictionary of Musical Instruments, livre 1 (1985).

The New Grove Dictionary of Music and Musicians, livre 8 (1980).

Brăiloiu Constantin (1973), Problèmes d’ethnomusicologie, textes rassemblés et préfacés par Gilbert Rouget, Genève, Minkoff, 1973.

De Coppet Daniel et Hugo Zemp (1978), Aré ’Aré : Un peuple mélanésien et sa musique. Paris: Seuil.

Rouget Gilbert (1969), « Sur les xylophones équiheptaphoniques des Malinké », Revue de musicologie, tome 55.

Zemp Hugo et Jean Schwarz (1973), « Échelles Equiheptaphoniques des Flutes de Pan chez les 'Are' Are (Malaita, Iles Salomon), Yearbook of the International Folk Music Council, Vol. 5, pp. 85-121.



La République de Guinée

Dès le XVème siècle, les navigateurs portugais puis français établirent sur les rives de Guinée des comptoirs commerciaux qui s'organisaient autour du commerce de l'or, de l'ivoire et d'esclaves. La Guinée devint une colonie française en 1891, malgré la résistance menée par le chef de guerre Samory Touré. En 1904, le pays fut intégré à l'AOF, l'Afrique Occidentale Française, permettant ainsi aux industriels français d'exploiter les ressources locales, soit le commerce de la banane, de l'huile de palme, du café ou encore de la bauxite. Au gré des incursions coloniales se dessinèrent les frontières actuelles des deux Guinées, distinguées par le nom de leur capitale : au nord la Guinée-Bissau, héritage de la présence portugaise, au sud la Guinée-Conakry, issue de la domination française.

Après plus de soixante ans de colonisation française, la Guinée devient indépendante le 2 octobre 1958. Le « non » au référendum du 28 septembre 1958 permet une opposition forte au projet mené par le général de Gaulle de renforcer la présence française en constituant une communauté franco-africaine. À la suite de l'emprise française sur le pays, Ahmed Sékou Touré se proclame président de la république de Guinée. Il instaure un parti unique, le Parti Démocratique de Guinée (P.D.G) dont il est le leader charismatique. La notion de centralisme démocratique se place en théorie phare du parti : l’intérêt commun du peuple guinéen ne peut être défendu que par une volonté unique à travers les valeurs nationales. Les bases du totalitarisme sont en place.

Suite à la mort de Sékou Touré, le coup d'état mené par le colonel Lansana Conté, le 3 avril 1984, mettra fin à 26 ans d'un règne sans partage. Le Comité Militaire de Redressement Nationale (C.M.R.N), fer de lance de la deuxième république, se place en instance suprême de conception et de décision de la politique générale du pays. Le 23 décembre 1990, la constitution d'un régime démocratique multipartite s'impose finalement avec l'adoption de la « loi fondamentale ». Lansana Conté sera réélu à la tête du pays lors des élections présidentielles contestées de décembre 1993 puis de 1998. Dans un climat de tension politique, Conté favorise l'ethnie Soussou dont il est originaire au détriment des Malinkés et des Peuls dans le but d'être réélu en 2003.

Entre 2006 et 2007, les mouvements sociaux se font de plus en plus importants et réclament la démission du président Conté. Sa mort, le 22 décembre 2008, donne une nouvelle fois l'opportunité à l'armée de prendre le pouvoir. Le chef des putschistes Moussa Dadis Camara souhaite dans un premier temps lutter contre la corruption, mais il décide de revenir sur ses engagements et se présente aux élections. Il est finalement écarté du pouvoir en 2010 : les Nations Unis le considèrent comme le principal responsable du massacre perpétré lors d'une manifestation pacifique de l'opposition en 2009.

Le 27 juin 2010 se déroule les premières élections libres depuis l'indépendance. À la suite de conflits politico-ethniques, c'est finalement Alpha Condé qui est élu. Dans une volonté d’apaisement le président décide de nommer Mohamed Said Fofana, haut fonctionnaire soussou comme premier ministre. La démission de ce dernier en janvier 2014 laisse entrevoir la difficulté de la tenue des élections prévue en 2015.

Morgan Pihet
Théo Longo


http://www1.rfi.fr/actufr/images/108/carte_guinee_conakry_432.gi


Références bibliographiques

BARRY, Alpha Ousmane, 2004, Les racines du mal guinéen, Paris, Ed. Karthala

IFFONO, Aly Gilbert, 1992, Lexique historique de la Guinée-Conakry, Paris, Ed. L'Harmattan

ROCHE, Christian, 2011, L'Afrique noire et la France au XIXème siècle, Paris, Ed. Karthala

BERTRAND, Monique, CHARLES, Bernard et LAINÉ, Agnès, Universalis, « GUINÉE  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 octobre 2015. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/guinee/



Qu’est ce qu’un griot ?

Le terme griot est couramment associé à la figure du musicien d'Afrique de l'Ouest. Bien que son étymologie demeure incertaine et qu'il semble ne trouver son origine dans aucune langue africaine, des recherches convergentes ont montré qu’il viendrait du portugais criado (« serviteur »). En effet, le mot griot n'est apparu que tardivement en Afrique pour décrire une réalité antérieure à l’arrivée des colons en terres mandingues. Appelé djéli ou jeli en langue malinké, il incarne la mémoire historique des Malinkés. On l'a parfois comparé à la figure occidentale médiévale du barde ou du ménestrel, même si ses attributions dépassent celles de ces derniers.

Dans la culture mandingue, le griot fait partie de la catégorie des nyamakala, les « artisans » ou « hommes de caste ». En effet, tout comme le forgeron est l’artisan du fer, le griot est l'artisan du verbe. Il est celui qui fait vivre la tradition orale. Selon l’historien malien Amadou Hampaté Bâ, le griot cumule trois fonctions principales qui s’entremêlent :

- Il est musicien accompli, jouant aussi bien du balafon, de la harpe-luth kora, du luth n’goni ou plus récemment de la guitare. Ses compétences s’étendent des techniques vocales à la composition et à la facture instrumentale. Les femmes (« griottes »), souvent oubliées lorsqu’on parle de griot, sont particulièrement prisées comme chanteuses, de nombreux instruments étant réservés aux hommes. Si le rôle musical du griot prédomine aujourd'hui médiatiquement, c’est son rôle de dépositaire du savoir traditionnel qui prime dans sa culture. La musique porte la parole du griot et lui permet à la fois de charmer son auditoire et de mémoriser plus facilement tout son savoir.

- Comme a dit Amadou Hampaté Bâ, « un Griot qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle ». Il est généalogiste, historien et poète. Il connaît l’histoire de la famille noble (horon) à laquelle il est lié et la raconte sous forme d’épopées et de récits héroïques. Ainsi, l’histoire que conte un griot n’est pas libre de l’influence des nobles.

- Il est aussi conseiller des puissants, médiateur et arbitre. Il est chargé de s’entremettre entre les grandes familles lorsqu’il existe des différends. Il sert d’intermédiaire entre les puissants et la population et vice versa, puisqu'il est seul à pouvoir se moquer des chefs.

Le statut social du griot est ambigu : à la fois déprécié du fait de sa position dans la hiérarchie des castes, mais aussi respecté pour son savoir et craint pour sa parole. Cette dernière exerce une action sur l’individu, elle est performative, voire surnaturelle. Dans une culture principalement orale, le verbe était le moyen d’influence par excellence. Le griot apparaissait alors comme le détenteur d’un grand pouvoir. Le terme griot ne renvoie plus aux mêmes réalités qu’autrefois. Aujourd’hui le griot ne dispose plus du monopole musical et oratoire qui faisait de lui le héraut de la société ouest africaine. Depuis les indépendances et la constitution des Etats africains, les cultures traditionnelles ont subi de grands bouleversements et par conséquent le rôle social des griots a changé. Certains griots ont aujourd’hui adapté le répertoire traditionnel en fonction d’une certaine demande occidentale, tandis que d’autres ont migré en Europe pour tenter de vivre de leur art.

Rémy Clair
Damien Lacourarie

Références bibliographiques

Wolfgang Bender, La musique Africaine contemporaine : sweet mother. L’harmattan, 1992.

Sandra Bornard, Le discours du griot généalogiste chez les Zarma du Niger, vol. 1, Karthala, 2005.

Monique Brandily, « Spécialisation de l’activité de musicien et contraintes sociales : l’exemple de l’Afrique », dans Musiques, une encyclopédie pour le XXIème siècle, vol. 3 Musiques et Cultures, Actes Sud, 2005, p. 643.

Gilbert Rouget, « Musique et identité », dans Musiques, une encyclopédie pour le XXIème siècle, vol. 3 Musiques et Cultures, 2005, p. 854.

Thomas A. Hale, Griots and Griottes. Masters of Words and Music. Bloomington-Indianapolis, Indiana University Press, 1998, 410 p.

Vincent Zanetti, « Le griot et le pouvoir : une relation ambiguë », dans Cahiers de musiques traditionnelles, vol. 3 Musique et pouvoirs, 1990, p. 161-172.



L'empire mandingue

Les termes mandingue, mandé, maninka, malinké renvoient tous à un ensemble de populations d’Afrique de l’ouest parlant le malinké : les Bambara, Jalonké, Soussou, Diakhanké et Dioula. Les Malinkés sont historiquement liés à ce qui fut jadis l'empire mandingue ou grand empire du Mali. Actuellement, ces divers groupes sont localisés dans l'Etat du Mali où ils sont majoritaires, mais ils sont aussi mêlés à d’autres groupes au Sénégal, en Gambie, en Guinée-Conakry, en Guinée-Bissau, dans le nord de la Côte-d'Ivoire ainsi qu'au Burkina Faso. Cette vaste aire géographique est parfois localement appelée Kâbou, Gâbou ou N’Gâbou (en langue peule), devenu Cabo en portugais. Avant la conquête mandingue, suivie bien plus tard de la colonisation française (et portugaise), le pays kabounké a probablement été occupé par des populations qui résident aujourd’hui plus à l’ouest, dans les zones arboricoles.

La reconstitution des événements marquants de l'empire mandingue repose autant sur la tradition orale, transmise en grande partie par les griots, que sur les témoignages de grands voyageurs arabes comme Ibn Battûta (1304-1377) et Ibn Khaldoun (+ 1406), ou encore sur des travaux d’historiens.1

Il est généralement admis que l'empire mandingue s'est étendu de 1235 à 1445, et certaines sources le voient même se prolonger jusqu’au XVIe siècle. La tradition orale veut cependant que l’empire mandingue trouve son origine en 1050, lorsque le clan Keïta, allié aux Traoré et Konaté, prît le dessus sur les Condé et les Camara, unifiant ainsi les principaux clans malinkés.

Les travaux d'historiens s'accordent également sur l'importance de la figure de Soundiata Keïta (1190-1255), fondateur de l’empire, et de son chef militaire Tiramakhan Traoré, à qui l'ont attribue l'expansion de l'empire, avec le soutien spirituel de deux marabouts : Fatiba et Sanoba.

Après Tiramankhan, les Malinkés continuent leur expansion vers l’ouest, « Tilijigi » (Soleil couchant), jusqu’à la mer Atlantique. Le mansa (roi), salué comme un dieu, dispose d’un pouvoir divin sacralisé par l’Islam, présent à la cour dès le début de l'empire. Avec Kankou Moussa (ou Mansa Moussa 1312-1337), l’empire mandingue atteint son apogée. Ce roi règne sur un vaste empire qui englobe les territoires correspondant aujourd'hui aux Mali, Guinée-Conakry, Guinée-Bissau, Sénégal, Gambie, Burkina Faso, ainsi qu'une partie du Niger, de la Côte d’Ivoire et de la Mauritanie. A partir de 1360, des querelles de succession opposent les descendants de Kankou Moussa. Elles marquent la décadence progressive du grand empire mandingue, qui au XVIIe siècle ne couvre plus que le territoire du Mali actuel.

Antonio Mazzei


http://www1.rfi.fr/actufr/images/108/carte_guinee_conakry_432.gi


Références bibliographiques

Carreira Antonio, Mandingas de Guinée portuguesa, CEGP N°4, Bissau 1947

Diop Majhemoud, Histoire des classes sociales dans l’Afrique de l’ouest : le Sénégal Bronché 1985

Encyclopédie Universalis en ligne [consultée le 22 octobre 2015] 

Suret-Canale Jean, L’Afrique noire occidentale et centrale, volume 27 N° 1 1960

Tata Cissé Youssouf et Wa Kamissoko, La grande geste du Mali, des origines à la fondation de l’empire Bronché 2000

Vellez Careco Jorge, Mémoria de Africa, Monjur o Gabu o sua historia, CEGP N°8 Bissau 1948

Site internet :
https://toutlemali.com/sommaire/c-reperes-historiques/4-lempire-du-mali/



Jean-Didier Hoareau

Danses Maloya

Le Maloya fait le plus souvent référence à une musique. A la Réunion, ce terme désigne bien un genre musical composé de nombreux chants en créole, mais il renvoie aussi à une danse ou à des danses, bien qu'elles soient moins étudiées. Le Maloya est dansé autant par des hommes que par des femmes1 dans plusieurs types de situations, rituelles, spectaculaires, institutionnelles. : Alors que le kabaré ou servis kabaré désigne une cérémonie en l’honneur des ancêtres, le kabar ou bal maloya est plutôt décrit comme une fête nocturne, un moment de partage de type profane

L'anthropologue Françoise Dumas-Champion a décrit dans son ouvrage (2008) et à travers ses films le servis Kabaré, « rituel de commémoration des ancêtres d'origine afro malgache »2. La musique, le chant et la danse y ont une grande importance. Certains participants sont possédés au cours des rituels et accomplissent ce qu'elle nomme la « danse des esprits ». Toutefois cette danse propre aux possédés n'est pas à confondre avec ce qu'on appelle la danse Maloya. En dehors des possédés, on peut observer dans ses films que la majorité des participants dansent. Cela ne semble pas constituer une action rituelle spécifique mais participe de la réception de la musique et de la mise en mouvement des corps, opérant pour donner de la force au rituel.

Lors des kabar ou bal maloya, les participants forment souvent un cercle au centre duquel vient évoluer un couple de danseurs dont les mouvements peuvent être érotiques. Les femmes retroussent un côté de leur longue jupe. Dans les vidéos disponibles sur internet3, on peut voir que le Maloya se danse les jambes légèrement fléchies. Les appuis sont pris entre la plante des pieds et les demi-pointes. Les mouvements de jambes sont soit des gestes directionnels (souvent devant, derrière, sur les côtés) effectués avec l'autre jambe que celle qui sert d'appui, soit des pas percutant le sol, le poids passant rapidement d'une jambe à l'autre. Des mouvements de bassin caractérisent les pas et les gestes de jambes, en participant à l'impulsion du bas du corps. Les bras accompagnent l'ensemble des mouvements du corps pour amplifier la danse. Il existe aujourd'hui quelques tutoriels sur internet sous forme de vidéos permettant d'apprendre les pas de base du Maloya tel qu'il est dansé aujourd'hui. L'apparition de ce type de vidéo interroge sur une éventuelle standardisation de la danse et de la musique Maloya.

De nombreux esclaves ayant été déportés vers la Réunion depuis Madagascar, les Comores et les côtes africaines, il est tentant d'y voir les origines de certains mouvements dansés dans le Maloya. Au Mozambique en particulier, les similitudes entre certaines de ses danses et le Maloya sont frappantes. Xigubo, Mapedza, Nhan, Masseve, Rumba4 : on retrouve dans certaines danses les déhanchements, dans les autres les mouvements de rotation sur soi. On y reconnaît également les mêmes mouvements de jambes rapides percutant le sol.

Aurel Fleureux

Notes

1.- Florence Boyer, chorégraphe et anthropologue de la danse sort prochainement un ouvrage sur cette danse.
2.- Voir sur le site de l'INA, la vidéo datant du 19 décembre 1998 (FR3, texte de Florence Boyer) consultée le 30 octobre 2016
3.- Par exemple, celles proposées sur le site You Tube par le festival Danse Péi.
4.- Un vidéaste amateur a filmé une demi douzaine de danses du Mozambique : Xigubo, Mapedza, Nhan, Masseve, Rumba. Chaîne You Tube de Julio Silvaband, consultée le 30 octobre 2016


Références bibliographiques

DUMAS-CHAMPION Françoise et BEAUJARD Philippe, 2008, Le mariage des cultures à l’île de la Réunion, Paris, France, Éditions Karthala, DL 2008.

Sites internet :

INA, médiathèque, vidéo datant du 19 décembre 1998 – source : FR3, texte de Florence Boyer, consulté le 30 octobre 2016

You Tube – extrait du documentaire « La danse des esprits » de François Dumas Champion – ajouté le 28 Mars 2013, consulté le 30 octobre 2016

Le Maloya, Unesco TV, You Tube, consulté le 30 octobre 2016



LA POSSESSION ET LE MALOYA : LA CÉRÉMONIE DU SERVIS KABARÉ

Possession

Les cultes de possession établissent un rapport entre les hommes et le monde de l'invisible. Au cours de cérémonies, certains dévots sont voués à être possédés par une ou plusieurs entités, esprits ou divinités. Le comportement du possédé est alors reconnu par l'ensemble des participants comme la manifestation de la divinité. C'est l'occasion pour celle-ci de prendre forme humaine en envahissant un corps et d'user de comportements spécifiques (tremblements, pleurs, rires, etc.) auxquels on attribue communément le terme de transe.

Les expressions « transe » ou encore « état de conscience modifiée » reflètent cependant un point de vue plutôt occidental et ne permettent pas de rendre compte des points de vue locaux sur ces phénomènes, très divers selon les régions et cultures du monde. Ainsi, la transe de possession est à distinguer de celle qui caractérise le chamanisme. Si dans le premier cas, l'esprit envahit le corps du possédé, dans le second, inversement, c'est le chamane qui quitte son corps pour visiter le monde des esprit.

Nombre d'ethnologues ont souligné l’importance de la musique pour le bon déroulement de la possession, associée au mouvement et à d'autres éléments rituels. Le rôle de la musique varie selon le contexte culturel ou les phases du rituel, mais elle sert généralement à invoquer, rendre manifestes et identifier, mais aussi communiquer avec les esprits et/ou divinités. Cette possession peut être vécue négativement, dans ce cas elle appelle un exorcisme auquel la musique peut participer. Mais dans bien des cas ou suite à une sorte d'apprivoisement de l'entité par le possédé, elle est finalement vécue positivement parce qu'elle permet d'apporter des solutions à des problèmes individuels ou concernant l'ensemble de la communauté.

Le Servis Kabaré : un rituel de possession

A la Réunion, la possession est considérée comme une affliction1, et elle est ritualisée lors de la cérémonie du servis kabaré. Il s'agit d'un rite de remerciement procédant traditionnellement par un kabary (discours de remerciement), auquel se substitue aujourd'hui sa forme chantée, le Maloya. A cette occasion, la musique et le rituel ne font qu'un pour contrôler la transe et, par extension, la danse des esprits.

« Comme l’explique Gramoun Bébé dans l’interview qui clôt le premier disque jamais consacré au maloya rituel, les esprits ont le pouvoir d’accorder, ou non, la « grâce » à leurs descendants et d’ « éclairer leur chemin ». Afin de les contenter il faut leur offrir de la nourriture mais aussi chanter – il n’y a pas de maloya seulement instrumental – avec le fond du cœur, c’est le fonnkèr ou le pléré (pleurer) à la tonalité mineure qu’une informatrice nous expliquait ainsi : " Leur âme est loin. Ils viennent seulement si tu chantes le bon chant, celui qui fait mal. Si tu chantes un fonnkèr là où ça fait mal il entend que tu l’appelles avec le cœur […] Si tu pleures alors il arrive pour faire du bien " (Gramoun Bébé, Le maloya kabaré, 2005). » (Lagarde 2007)

Sur l'île de la Réunion, les pratiques liées au culte des ancêtres sont souvent associées à celles des groupes bantous et malgaches qui constituent près de la moitié de la population. Peu importe le contexte religieux, leur objectif est d’entretenir le lien familial entre le monde des vivants et l’au-delà, par l’intermédiaire des possédés. Ceux-ci sont élus par les ancêtres pour assurer la transmission de la tradition. Ces cérémonies prennent place dans l’espace domestique, dans le respect des interdits et des règles religieuses.

Thomas Briot

Notes

1.- On distingue deux sources de maladie selon qu'elle intervienne par cause naturelle ("maladie bon dieu"), ou par cause spirituelle pour la "maladie malice" ou "'z'ancêtre". En vue d'y remédier, on fait appel soit à un médecin à l'occidentale soit à un guérisseur, bien qu'on puisse passer de l'un à l'autre. (Dumas-Champion et Beaujard, 2008).


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

ABELES, Marion. Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie. Édité par Pierre Bonte et Michel Izard. Paris, France: Presses universitaires de France, 1992.

AUBERT, Laurent. « Chamanisme, possession et musique : quelques réflexions préliminaires ». Cahiers d’ethnomusicologie. Anciennement Cahiers de musiques traditionnelles, no 19 (1 novembre 2006): 11-19.

AZRIA, Régine, et Danièle Hervieu-Léger, éd. Dictionnaire des faits religieux. Paris, France: Quatrige : Presses universitaires de France, 2010, 2010.

DUMAS-CHAMPION, Françoise, et Philippe Beaujard. Le mariage des cultures à l’île de la Réunion. Paris, France: Éditions Karthala, DL 2008, 2008.

HAMAYON, Roberte. « Gestes et sons, chamane et barde. Un exemple bouriate de « découplage » entre forme, sens et fonction ». Cahiers d’ethnomusicologie. Anciennement Cahiers de musiques traditionnelles, no 19 (1 novembre 2006): 21-35.

LAGARDE Benjamin « Un monument musical à la mémoire des ancêtres esclaves : le maloya (île de la Réunion) »,
Conserveries mémorielles
[En ligne], #3 | 2007

ROUGET, Gilbert. La musique et la transe: esquisse d’une théorie générale des relations de la musique et de la possession.
Paris, France: Gallimard, DL 1990, 1990.


KAYAMB

Le kayamb est un instrument de musique appartenant à la famille des idiophones utilisé dans les Mascareignes pour interpréter les genres musicaux Séga et le Maloya. Ce hochet en forme de radeau est devenu l'un des emblèmes du patrimoine musical réunionnais.

Il est composé de deux panneaux faits de roseaux et de tiges de fleurs de canne à sucre assemblés. Ces panneaux sont montés sur un cadre en bois léger (mât de choca) à l'intérieur duquel sont insérées des graines rondes et dures de cascavelle ou safran marron (appelé aussi balisier ou conflore). C’est l’entrechoquement de ces graines à l’intérieur des panneaux qui produit le son si caractéristique du kayamb.


Le joueur de kayamb secoue horizontalement son instrument avec les deux mains, se cambrant légèrement en avant. Les mouvements sont effectués par impulsion du bout des doigts. Ces mouvements énergiques visent à maintenir un roulement homogène des graines. Néanmoins, ils peuvent être un peu moins réguliers afin d'introduire des accents dans la musique.

Il possède plusieurs noms selon les régions : raloba ou kaiamba à Madagascar, m’kayamba aux Comores, maravan sur l’île Maurice, chikitse au Mozambique, ou encore kayemba au Kenya. Il s’agit du même instrument dont la taille varie d’un pays à l’autre.

Cet instrument serait arrivé à la Réunion en même temps que les premiers esclaves (1690-1724) amenés d’Afrique de l'Est où des pratiques proches du Maloya ont été observées.

Rakhi Durand


LE ROULÈR DU MALOYA

Le roulèr, rouleur, ou encore houlé est - avec le kayamb, le bobre, le pikèr et le sati - l'un des instruments principaux du genre musical réunionnais Maloya. Il tient un rôle très important dans cette pratique. Il produit le son le plus grave dans le maloya et on peut le concevoir comme la base de tout l'édifice musical. En effet, comme le dit Jean-Didier Hoareau, dans la mesure où le roulèr donne le rythme de base, on peut dire qu'il est « le premier interlocuteur de la voix ». Ce dernier est envisagé comme le premier soutien de la voix du soliste, puisqu'il répond à ses intonations et propositions sous forme d'un dialogue. Le chant kabaré est lui même responsorial : il est composé d’un pléré ou pouléré (question posée ou « pleurée » par le soliste) et d’un kasaz en maloya (réponse donnée par les autre chanteurs).

On ne connaît pas bien l'origine du mot roulèr. Certains disent qu'il tient son nom du mouvement même du joueur sur la membrane de son instrument. Le musicien ferait « rouler » ses mains sur la peau ou créerait un « roulement » sonore. D'autres font une analogie avec la danse maloya, dans laquelle les danseurs « roulent » leurs hanches au rythme de la musique.

Le plus souvent, il est constitué d'un tonneau dont l'usage a été détourné, le fond et le dessus ayant été ôtés. Sur l'une des ouvertures est fixée une peau de cabri, de veau ou de bœuf. Ses poils peuvent être retirés ou non. Le diamètre du tambour peut varier, ainsi que sa hauteur. Par exemple, pour un tonneaux de 60 litres, le diamètre de la peau est de 37 cm et la hauteur du roulèr de 53 cm1. Il existe bien évidemment de plus gros instruments, la taille faisant varier le timbre et la hauteur du son. Le tonneau est constitué de lamelles de bois, cintrées par 3 cercles de fer : un en bas et un en haut (situé à une quinzaine de centimètres du bord environ) et un au milieu. La membrane est tendue sur le fût grâce à un système de cordage monté à la main. Les cordes sont tressées sur le fût, lequel est percé. Ce « maillage » permet d'agir sur la tension de la peau, et donc sur l'accord de l'instrument.

Toutefois, on trouve aussi des roulèr taillés dans une seule pièce de bois. La peau est alors clouée directement sur le haut du fût. Il semble que cette méthode ait été souvent utilisée par le passé, mais elle ne constitue pas aujourd'hui la majorité des instruments vendus sur le marché. Le fait que la peau soit clouée ne permet pas d'accordage par la suite. Il faut donc chauffer la peau près d'un feu pour la tendre avant de jouer.

Le roulèr est posé de façon horizontale sur le sol. Le plus souvent, un pied sert de cale, mais il peut être maintenu par un support en bois. Le joueur s'assoit directement sur le tambour, à califourchon. Il incline légèrement son buste vers l'avant pour frapper de ses mains la membrane entre ses cuisses. Cette posture peut être difficile à tenir. Aussi le jeu du roulèr n'est-il pas assuré par la même personne au-delà de quatre ou cinq pièces (chacune pouvant durer dix minutes). En effet, en plus d'une posture peu confortable, l'engagement physique nécessaire est important, et une performance de maloya implique une montée de l'énergie de façon continue. De plus, lorsque la transe survient, dans un contexte rituel par exemple, celle-ci doit être maintenue par le biais de la musique. Pour cela, le roulèr doit maintenir le rythme voire être encore plus présent, ce qui demande un engagement physique encore plus grand de la part du joueur.

Enfin, il existe plusieurs rythmes de bases. Ceux-ci sont obtenus à l'aide de plusieurs types de frappes. Ces patterns rythmiques sont distingués et nommés par les Réunionnais : par exemple, le roulé, le cassé, le malgache ou encore le kabaré.

Adeline Bombrun


Notes

1.- Ces dimensions sont celles d'un roulèr utilisé lors d'une master classe de Jean-Didier Hoareau.


REFERENCES

Sites Internet :

Le Maloya : entre sauvegarde et transmission (consulté le 10 février 2017)

Site du Pôle régional des musiques actuelles de la Réunion (consulté le 10 février 2017)

Vidéos :

Le fils d'un musicien de Maloya renommé nous présente ici les différents rythmes du roulèr dans le maloya (consulté le 10 février 2017)

Voici les différents patterns tels qu'ils sont enseignés au conservatoire de Saint-Benoît à la Réunion, au sein du département « musiques traditionnelles » (consulté le 10 février 2017)


PIKER et SATI

Le pikèr et le sati sont deux instruments du maloya qui sont souvent couplés – c’est-à-dire joués en même temps par un seul musicien – et dont les formules rythmiques se complètent. Ils sont tous les deux de la famille des idiophones1.

Le pikèr est fait d’un morceau de bambou, parfois deux si l’on veut obtenir deux sons différents, dans ce cas il est appelé sonbrèr. Le musicien utilise deux baguettes pour frapper l’instrument et jouer une formule rythmique en ostinato2 avec parfois des variations rythmiques.
Le premier temps du cycle ternaire est accentué (il est joué ainsi pour le répertoire lié au kabar ou bal maloya).

Le sati est un instrument métallique, la plupart du temps fabriqué à partir d’une plaque de tôle pliée de façon à former un rectangle ou une caisse. Toutefois, un bidon en fer blanc ou tout autre matériau métallique peut être utilisé. Le musicien se sert de deux baguettes pour frapper sur le sati et jouer un ostinato ponctué parfois de variations rythmiques.
Sur cet instrument, c’est la syncope du cycle ternaire qui est accentuée.

Le son métallique peut être renforcé volontairement par l’ajout de bruiteurs tels que des vis non serrées qui, lorsque l’instrument est frappé, prolongent la vibration et ajoutent un grésillement.

A l’origine, le sati est un instrument utilisé dans les cérémonies malbar (tamoules). Il s’agit dans ce cas d’un tambour sur cuvette (timbale) fait d’une peau de chèvre tendue sur une caisse de résonance métallique. Il accompagne les tambours tappu, morlon et bobine lors de rituels tamouls tels que la marche sur le feu.

L’emploi du nom sati pour désigner un des instruments du maloya informe sur la dynamique métisse propre à cette pratique musicale et en particulier sur le rôle des engagés3 indiens dans l’évolution de cette musique : « Le fait que l’on nomme sati […] une boîte en fer blanc que l’on bat avec deux baguettes et de fonction comparable dans le maloya à celle du pikèr (bambou monté sur trépied) atteste de ce type de liens entre engagés et anciens esclaves » (Lagarde, 2007 : 12).

Julie Donatien

Clichés : Paola Acosta Diaz


Notes

1.- Le son est issu du corps même de l’instrument, sans besoin de mise en tension d’une partie de l’instrument.
2.-Bref motif mélodico-rythmique répété tout au long d’une pièce musicale. La combinaison de plusieurs ostinatos est appelée multi-ostinato. (« Glossaire », L’Homme [En ligne], 171-172 | 2004, mis en ligne le 01 janvier 2006, consulté le 07 mars 2017.


REFERENCES :

Bibliographiques :

LAGARDE Benjamin, 2007, « Un monument musical à la mémoire des ancêtres esclaves : le maloya (île de la Réunion) », Conserveries mémorielles [En ligne], n°3 , mis en ligne le 21 novembre 2009, consulté le 03 mars 2017.

VELLAYOUDOM Jérôme, 2006, «Le Maloya », Revue de littérature comparée, 2 (no 318), p. 243-248.

Sites internet :

Kreolia 97 Kafre

Wikipédia : Maloya


LE BOBRE

Le bobre ou bombe, instrument de la famille des cordophones et que l'on désigne sous l'appellation arc musical ou « arc à calebasse », est employé dans la pratique du maloya sur l'île de la Réunion. Il s'apparente au berimbau brésilien, instrument accompagnant la (danse-lutte) Capoeira. L'origine du terme bobre est attribuée supposément au mot indo-portugais bobra qui signifie citrouille. Il peut se retrouver ailleurs dans l'océan indien, aux Seychelles où il porte le nom de bob, bonm ou à Madagascar sous le nom de dzedzu-lava. Sa présence à la Réunion est attestée dès le XVIIIe siècle.

Le bobre mesure environ 150 cm de hauteur. Il est constitué d'un bâton de bois (son baton) de 'pomme-marron' ou 'd'avocat marron', formant l'armature de l'arc, sur lequel est tendue une corde. Cette corde qui est quelquefois appelée « ligne » (la-lin) est en « fibre de 'choka' ou parfois en fil de fer ». À la base de ce complexe formant l'arc est fixée une caisse de résonance composée d'une calebasse évidée qui présente une ouverture vers le corps du musicien, « laissant (ainsi) s'échapper les vibrations vers le bas. » Cette calebasse sert également à bloquer la corde de l'arc. L'enroulement de la corde autour du bâton permet de tendre plus ou moins celle-ci pour accorder l'instrument. Afin de relier la calebasse au corps de l'arc, une pièce taillée dans une noix de coco que l'on nomme son sundra est utilisée.

Le musicien plaque la calebasse contre son ventre et frappe la corde de l'arc avec une baguette en bois nommée batavék. A l'extrémité du batavék (ou bien séparé de celui-ci mais que le musicien tient dans la même main que la baguette) se trouve une petite bourse appelée kavir. Elle est confectionnée en fibres de vacoa et contient des graines, jouant ainsi le rôle de hochet1.

Les sons fondamentaux rendus par l'arc musical sont au nombre de trois :
- Corde à vide, partie supérieure (au-dessus de la calebasse), « son premier »
- Corde à vide, partie inférieure (en dessous de la calebasse), « son second »
- Un troisième son est produit lorsque le musicien appuie avec le dos de son index sur la partie supérieure de la corde,
modifiant ainsi la hauteur du son produit.

De plus, le musicien peut modifier le timbre de l'instrument, suivant que « l'ouverture du résonateur est plus ou moins appuyée contre le ventre, ou franchement écartée du musicien. » De cette manière, il procède à une sélection des harmoniques produites par l'instrument. Pour le dire simplement, plus le volume d'air compris dans la caisse de résonance est réduit (donc plus la calebasse est appuyée contre le ventre du musicien) plus les harmoniques aiguës seront amplifiées et plus le son perçu sera aigu.

Romain Mascagni

Illustration: Fanie Précourt

Notes

1.- Bien souvent de réglisse pour ces propriétés « magiques ». Nourrit et Pruitt, Musique traditionnelle de l’océan Indien, p.6.


REFERENCES

Bibliographiques :

BOLLÉE Annegret, Dictionnaire étymologique des créoles français de l’Océan Indien: ptie. Mots d’origine non-française ou inconnue (Buske Verlag, 1993), p.68.

NOURRIT Chantal et William PRUITT, Musique traditionnelle de l’océan Indien: discographie (Paris, France: Radio-France internationale, 1981), p.4.

PRÉCOURT Fanie, « Maloya et séga des Mascareignes, ethnomusicologie d’un genre pluriel », Africultures 98, no 2 (2014), p.108.

SAMSON Guillaume, Le Sega d’Ile Rodrigues, mémoire présentée en vue de l’obtention de la maîtrise d’ethnomusicologie, p.97.

Yu-Sion Live, « Approche pour une étude du métissage des instruments de musique de l’Océan Indien », Kabaro, revue internationale des Sciences de l’Homme et des Sociétés 2, no 2-3 (2004), p.14.

Sites Internet :

« Instruments traditionnels du Maloya », consulté le 26 octobre 2016.


SITUATION DE L’ILE DE LA REUNION DANS L’OCEAN INDIEN





RYTHMES BINAIRE OU TERNAIRE

Un rythme est dit « binaire » ou « ternaire » en fonction de sa pulsation. La pulsation est le battement qui sous-tend le rythme d'une musique. Ce battement est souvent marqué spontanément par l'auditeur quand il frappe dans ses mains ou tape du pied.

Une pulsation régulière se divise en un nombre donné d'unités plus petites. Si ce nombre d'unités est égal à deux, la pulsation sera qualifiée de binaire (rythme binaire). Si ce nombre est égal à trois, la pulsation sera qualifiée de ternaire (rythme ternaire).


Vieille chanson du jeune temps

Victor HUGO (1802-1885) - Les Contemplations 1856

Je ne songeais pas à Rose
Rose au bois vint avec moi
Nous parlions de quelque chose
Mais je ne sais plus de quoi

J'étais froid comme les marbres
Je marchais à pas distraits
Je parlais des fleurs, des arbres
Son œil semblait dire : "Après ?"

La rosée offrait ses perles
Le taillis ses parasols
J'allais, j'écoutais les merles
Et Rose les rossignols

Moi, seize ans, et l'air morose
Elle, vingt ; ses yeux brillaient
Les rossignols chantaient Rose
Et les merles me sifflaient

Rose, droite sur ses hanches
Leva son beau bras tremblant
Pour prendre une mûre aux branches
Je ne vis pas son bras blanc

Une eau courait, fraîche et creuse
Sur les mousses de velours
Et la nature amoureuse
Dormait dans les grands bois sourds

Rose défit sa chaussure
Et mit d'un air ingénu
Son petit pied dans l'eau pure
Je ne vis pas son pied nu

Je ne savais que lui dire
Je la suivais dans le bois
La voyant parfois sourire
Et soupirer quelquefois

Je ne vis qu'elle était belle
Qu'en sortant des grands bois sourds
"Soit, n'y pensons plus !" dit-elle
Depuis, j'y pense toujours


MALOYA ET POLITIQUE A LA REUNION

« Les années 1960 et 1970 ont de fait été marquées par un clivage politique autour du statut territorial de La Réunion. À la droite départementaliste au pouvoir s’opposait une extrême gauche autonomiste, voire indépendantiste, représentée par le Parti communiste réunionnais (PCR) et d’autres organisations comme le Front de la jeunesse autonomistes de La Réunion (FJAR) ou encore l’Organisation communiste marxiste-léniniste de La Réunion (OCMLR). Cette opposition droite/gauche qui recouvrait un désaccord sur la question de la gouvernance de l’île était elle-même alimentée par des prises de position culturelles (Samson 2006).

Avec la langue créole, la musique constitua un des enjeux de cette bipolarisation politique. Jusqu’aux années 1960, la musique réunionnaise avait essentiellement été représentée médiatiquement et officiellement par le séga (chanson créole jouée sur des instruments modernes) et par les répertoires de danse folklorique. Comme aujourd’hui, le séga n’avait pas de véritable connotation ethnique ou communautaire ; il s’inscrivait dans un ensemble de pratiques, en particulier les bals et les radio-crochets, qui étaient susceptibles de toucher toutes les catégories sociales de La Réunion. Le maloya était, quant à lui, plus clairement associé aux travailleurs des plantations sucrières, descendants d’esclaves et d’engagés d’origine africaine, malgache et, dans une autre mesure, indienne. Il était très peu présent dans les médias et il n’existait que de façon indirecte et anecdotique dans l’espace public. Son existence était alors plutôt communautaire et familiale. Les pratiques diverses auxquelles renvoyaient ce genre (bal maloya, culte des ancêtres, moringue…) constituaient un pan minoré dans la hiérarchie culturelle insulaire. Dans sa forme musicale la plus « archétypique » (chant alterné soliste/chœur, usage de tambours, de hochets et d’idiophones de fabrication artisanale), le maloya contrastait fortement avec le séga, bien que ces deux musiques entretiennent des affinités rythmiques et mélodiques.

Dans les années 1970, le PCR fit du maloya son emblème musical. Il publia deux disques de maloya enregistrés durant le Congrès du parti de 1976. À partir de cette période s’engagea une concurrence de représentativité plus ou moins claire entre le séga et le maloya, qui s’intensifia à mesure que le PCR gagnait en visibilité politique et que le maloya entrait dans l’espace public. Dans les discours militants d’extrême gauche, le séga devint symbole d’assimilation culturelle, d’urbanité, voire de collusion avec le pouvoir départementaliste (et l’idéologie néocoloniale qu’il véhiculait), alors que le maloya symbolisait la résistance culturelle, la ruralité, la voix des démunis et le renouveau du « Peuple réunionnais »… Bien que cette opposition bipolaire prît appui sur une certaine réalité, son existence fut essentiellement liée aux discours militants et culturels qui pensaient la représentativité musicale de façon plutôt exclusive. La virulence des luttes politiques ne permettait pas d’imaginer une possible cohabitation du séga et du maloya (comme c’est pourtant le cas dans le vécu musical réunionnais). D’une certaine façon, le maloya briguait la place de musique « nationale », à la place du séga. En dépit de l’adoption du maloya par certaines troupes folkloriques proches de la droite à la fin des années 1970, cette représentation bipolaire marqua profondément le champ musical réunionnais des décennies suivantes (Desrosiers 1996). À l’heure actuelle, tous deux s’inscrivent toujours dans une forme d’alternative culturelle et identitaire, laquelle a été de nouveau réveillée (ou révélée) par l’inscription du maloya au PCI. »

Extrait de l’article de Guillaume Samson de 2011.

REFERENCES :

SAMSON Guillaume, 2011, « Le maloya au patrimoine mondial de l’humanité. Enjeux culturels, politiques et éthiques d’une labellisation  »,
Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 24


Kadek Puspasari et Christophe Moure

Les danses balinaises

1) Le SangHyang ou danse de transe

Le SangHyang était à l'origine une danse rituelle visant à éloigner les mauvais esprits du village. SangHyang signifie l'esprit divin qui habite le danseur en transe. Les danses et drames de transe sont comme des rituels religieux et peuvent être des cérémonies de sacrifice, de prière ou d'exorcisme. Elles ont lieu dans ou dehors d'un temple, sous l'assistance du Pemangku, le prêtre du temple. Le SangHyang commence toujours au temple ou on met les danseurs en transe.   Après, se forme une procession qui amène les médiums sur le lieu de danse. En fin de danse c'est le prêtre qui ramène le danseur à la "réalité" La danse de transe a toujours beaucoup de signification à Bali.

2) Barong Rangda

Le Barong ou danse du kriss est très populaire à Bali. Barong est une créature mythique représentant le Bien et les Forces existant sur Terre. Son opposé est  Rangda, Reine des Sorcières, qui représente le Mal. Les Balinais croient que le Bien et le Mal coexistent, l'un à coté de l'autre. C'est pourquoi, dans l'histoire qui suit et qui se concentre surtout sur Barong et Rangda, il n'y aura pas de vainqueur. La danse s'achève par l'arrivée du prêtre qui met fin a l'état de transes de ces hommes en les bénissant  avec  l'eau sacrée. Dans la danse, le Barong est une sorte de dragon à la barbe fleurie et au corps recouvert de longs poils soyeux. Pour le faire bouger, un danseur se glisse dans la partie avant du costume, et un autre dans la partie arrière.

3) Kecak

Kecak est souvent incorporée à la danse du SangHyang qui était généralement exécutée par des fillettes en transe. Dans cet état de semi-conscience, elles servaient d' intermédiaire entre les hommes  et les ancêtres ou les Dieux ,  elles pouvaient ainsi saisir et transmettre leurs souhaits. Récemment, une histoire tirée de l'épopée du Ramayana fut ajoutée à la danse du Ketchak originale. Rama, l'héritier légitime du trône d 'Ayodya est exilé de la cour de son père Dasarata. II s'en va du palais de son père, vers la forêt en compagnie de son épouse Sita et de son frère Laksamana. Après maintes aventures , à un moment, il poursuit un cerf aux cornes d'or. Pendant ce temps, Sita, laissée seule et sans protection est enlevée par Rawana le roi des démons. Rama, avec l'aide l'armée des singes sous le commandement de Hanuman, attaque Rawana et la bataille se termine par la victoire de Rama. Les singes sont incarnés par une centaine de danseurs. Réunis autour d"un feu, ils crient tous "Tchac Tchac Tchac" pour imiter le cri des singes.


Les poèmes du Mahābhārata et du Rāmāyaṇa

Le Mahābhārata est un très long poème épique. Avec plus de 100 000 stances (ou versets) rassemblés dans dix-huit livres, c'est avec le Rāmāyaṇa, lui-même composé de 24000 couplets répartis sur sept livres, l'ensemble de récits le plus important du monde indien. Le Mahābhārata et le Rāmāyaṇa sont les références que l'on retrouve le plus souvent dans les traditions indiennes, autant dans les arts picturaux que dans la littérature, et même dans le cinéma aujourd'hui. Ils ont énormément influencé le monde indien et au delà, jusqu'en Indonésie par exemple.

Les poèmes qu'ils rassemblent ont pour les plus anciens vu le jour bien avant l'ère chrétienne, mais il est difficile d'estimer à partir de quelle époque exactement ces poèmes, transmis oralement, se sont développés. Ils ont probablement été mis à l'écrit (en sanskrit1) pour la première fois vers le début de l'ère chrétienne, et différentes traditions de mise à l'écrit provenant de différentes régions indiennes montrent des variations dans le contenu dues à sa diffusion préalable par transmission orale. Leurs constructions se sont faites probablement par ajouts successifs au cours de leurs transmissions et mises à l'écrit. Les passages en prose sont dits plus récents que ceux en vers.

Le mot Mahābhārata peut être traduit comme la « Grande Geste des Bhārata », les habitants de Bharat, l'Inde actuelle. Dans la mythologie hindoue, le roi Puru est l'ancêtre de tous les Indiens. L'un de ses fils, le prince Bhārata, est l'ancêtre de la lignée mythique dite lunaire. Tous les héros du Mahābhārata appartiennent à cette lignée. Le sujet principal du Mahābhārata est le conflit et la guerre entre deux groupes de cousins, deux clans issus du lignage de Bhārata, la guerre elle-même tenant une place importante. On trouve dans le Mahābhārata de nombreuses digressions morales, religieuses ou théoriques, sur des thèmes variés, qui reflètent des connaissances, des points de vue philosophiques, etc.

La seconde lignée mythique, celle dite solaire, est illustrée par le Rāmāyaṇa. Le Rāmāyaṇa, la « Geste de Rāma », raconte la vie de Rāma en le situant à l'intérieur des événements racontés dans le Mahābhārata. Alors que le Mahābhārata traite de sujets divers, en faisant de nombreuses digressions, le Rāmāyaṇa est concentré principalement sur le personnage de Rāma. La tradition attribue la rédaction du Rāmāyaṇa au seul Vālmīki, qui aurait été un personnage de naissance modeste, mais tellement sage et intelligent qu'il aurait vécu à la cour d'Ayodhyā (au nord du Gange). Après la rédaction du Rāmāyaṇa, il serait parti en ermitage dans la forêt, où il aurait acquis une telle immobilité contemplative qu'une fourmilière l'aurait recouvert. Son nom signifie « fils de la fourmilière ».

Le Mahābhārata et le Rāmāyaṇa se seraient diffusés en Indonésie depuis l'Inde, par les routes commerciales, dès le début de l'ère chrétienne. Ils auraient particulièrement influencé la culture indonésienne autour du XIVème siècle, moment fort de l'influence indienne dans l'archipel avec l'empire Hindou du Majapahit. Le Mahābhārata aurait été traduit en javanais ancien dès la fin du Xème siècle. Il est parfois appelé « Bharat Yudha » (ou « Baharatayuddha ») en Indonésie. Plusieurs éléments du Mahābhārata indonésien diffèrent fortement des versions indiennes. En premier lieux, les personnages secondaires ont plus d'autonomie par rapport aux personnages principaux.

Ces deux ensembles de poèmes mythiques sont la source des principaux thèmes développés dans le wayang, le théâtre indonésien. Le théâtre indonésien fait intervenir des marionnettes (wayang kulit) et des danseuses et danseurs (wayang orang, et wayang topeng pour le théâtre masqué), accompagnés traditionnellement d'un gamelan. Ces représentations sont improvisées en partant de thèmes issus du Mahābhārata, du Rāmāyaṇa ou encore d'autres récits locaux comme le Cycle de Panji. Les marionnettes représentent des personnages de ces épopées, ainsi que les masques que portent les danseurs/euses, qui interprètent successivement différents personnages. Le développement de l'Islam en Indonésie depuis le XVème siècle n'a pas empêché la perpétuation de ces traditions liées au Mahābhārata et au Rāmāyaṇa.

William CLUGNET


Notes

1.- Le sanskrit est une langue indo-européenne littéraire et sacrée relative à la culture hindoue et bouddhiste. Elle était parlée autrefois dans le sous-continent indien, et les poèmes du Mahābhārata ont été écrit en sanskrit. Langue mère de différentes langues indiennes actuelles, encore utilisée par certains locuteurs ainsi que dans des contextes littéraires et scientifiques, elle peut être comparée au latin pour les pays de langue latine.


Références bibliographiques :

Bruno Cabanes, « Le "Mahābhārata", une affaire de famille! », 07/2003, L'Histoire, (n°278)

Helen Creese, Women of the Kakawin World: Marriage and Sexuality in the Indic Courts of Java and Bali, 2004,
Eastgate, Armonk, New York, p. 253.

John Campbell Oman, The Great Indian epics : the Stories of the Ramayana and the Mahabharata, 1899.

New World Encyclopedia contributors, « Majapahit », New World Encyclopedia, 10 September 2014, consulté le 12 février 2017.

Anne-Marie Esnoul, « MAHĀBHĀRATA ». In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 12 février 2017.

Marie-Simone Renou, « RĀMĀYANA ». In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 12 février 2017.


Mustapha Bouhella et Ilies Bourghoud

LA DARBOUKA

La darbouka est un tambour en forme de gobelet ou de calice doté d’une membrane. Ce membranophone est répandu dans tout le versant sud de la Méditerranée (Maghreb, Machrek), mais également en Turquie où il est appelé dümbelek, et dans les pays des Balkans ayant été influencés par l’Empire ottoman. En Macédoine, il est connu sous la dénomination de tarabuka, en Grèce toumbeléki. Il se joue autant dans les musiques populaires, rurales que savantes.

FACTURE INSTRUMENTALE
Le corps de l’instrument peut être fabriqué en céramique, en bois ou encore en métal. Sa longueur peut varier entre 30 et 38 cm, pour un diamètre de 18 à 20 cm. La membrane qui le recouvre est faite de peau d’animal mais est de plus en plus remplacée par une peau synthétique en plastique tendue par un système de visserie implanté dans le corps de l’instrument. Ce système de tension mécanique facilite notamment l’accord de l’instrument et le remplacement de sa membrane.

TECHNIQUES DE JEU
La membrane de l’instrument est attaquée par les deux mains, frappée habituellement avec les doigts, une partie de la main ou la main entière. La derbouka se joue généralement assis, posé horizontalement sur la jambe du musicien ou posé verticalement entre les deux genoux. On peut également le manier debout en déambulant, coincé sous le bras du praticien, soutenu ou pas par une sangle.


Références bibliographiques

Christian POCHE, 2005 Dictionnaire des musiques et danses traditionnelles de la Méditerranée. Paris : Fayard.



LA GASBA

Aérophone - flûte oblique

La gasba est une flûte oblique généralement fabriquée à partir d’un roseau. Son appellation provient par ailleurs du nom de ce matériau, qasaba qui signifie en arabe “roseau”. Son origine provient d’Afrique du Nord mais c’est en Algérie qu’elle est la plus répandue. Cet instrument s’apparente très fortement au ney (du persan “roseau”) que l’on retrouve dans la musique savante et sacrée turque, arabe et iranienne. La gasba quant à elle est généralement jouée autant dans des répertoires sacrés (soufisme notamment) que profanes et populaires (raï, chaoui, etc)

FACTURE INSTRUMENTALE
Le corps de la gasba est un tuyau naturel en roseau ouvert à ses deux extrémités et dont la longueur et le nombre de trous percés peuvent varier. L’instrumentiste peut ainsi changer de gasba selon la pièce qu’il doit interpréter et la tonalité dans laquelle il doit jouer. En Algérie, elle peut mesurer entre 50 et 80 cm et est généralement percée de six trous.

TECHNIQUES DE JEU
L’embouchure de la gasba se pose sur le côté de la bouche de manière oblique. Le jet d’air du musicien se dirige de la sorte contre le rebord biseauté de l’embouchure pour entrer en vibration et donc émettre un son. L’instrumentiste peut façonner le timbre sonore qu’il souhaite obtenir en modifiant l’écartement entre ses lèvres et le biseau. La gasba fait partie de la famille des flûtes obliques qui doit son appellation à la posture qu’adoptent les musiciens pour les faire sonner.



Références bibliographiques

Christian POCHE, 2005 Dictionnaire des musiques et danses traditionnelles de la Méditerranée. Paris : Fayard.

Mahmoud GUETTAT, 2000 La musique dans le monde arabo-andalou : l'empreinte du Maghreb, Paris, El-Ouns : 347-349



LE SOUFISME

En tant que recherche et expérience d’une relation directe et personnelle avec le divin, la mystique est un phénomène partagé par les trois religions monothéistes (Islam, Judaïsme, Christianisme). Faisant, chacune à leur manière l'expérience du divin, elles présentent aussi au sein même de leur culte, une diversité de courants mystiques1. Dans l'islam, elle est connue sous le nom de « soufisme », tasawwuf en arabe.

La place du soufisme au sein de l'islam
Tout en demeurant fidèle à la loi islamique (sharî'a), le soufisme s'est développé dès les premiers siècles de l’islam, partant de la conviction que le divin peut être expérimenté sur terre, avant même la Résurrection finale1.

Relevant de la foi musulmane, le soufisme se fonde sur le Coran, texte sacré considéré comme l'expression de la parole d'Allah (« le Dieu ») ainsi que sur la sunna (les lois prophétiques). La révélation que rapporta Muhammad, le Prophète, est celle d'un dieu unique, tout-puissant et miséricordieux, créateur du ciel et de la terre. Pouvant être lu de « façon extérieure », exotérique (zahir), le Coran peut également donner lieu à un sens caché, une interprétation d'ordre spirituel, ésotérique (batin).

Le soufisme constitue la voie qui conduit de l'écorce au noyau, c'est-à-dire de la loi religieuse commune à tous les croyants (sharî'a) à la réalité, à la vérité transcendante, terme de la quête mystique 1.

Le soufisme apparaît donc comme une voie initiatique, tarîqa, (chemin et confrérie), « qui offre les moyens d'atteindre l'union avec Dieu ou plus exactement l'anéantissement en Dieu (fanâ') »1

Organisation autour d'un maître spirituel

Les premiers mystiques musulmans qui vivaient dans des régions christianisées, se sont inspirés du mode de vie des ermites chrétiens et syriaques qu'ils côtoyaient. Petit à petit, ces ascètes errants se sont regroupés en communautés de dévots en s’organisant autour d'hommes charismatiques, reconnus comme saints, les guidant dans leur cheminement spirituel1. Ces maîtres spirituels (cheikh-s) initient leurs disciples en leur transmettant la baraka, la « grâce divine »2. Les cheikh-s se rattachent à un lignage spirituel, une chaîne initiatique ininterrompue (silsila) qui remonte jusqu'au Prophète Muhammad et qui authentifie et valide l'enseignement qu'ils proposent à leurs disciples3. La sainteté d'un cheikh tient alors au fait qu'il soit descendant du Prophète et donc détenteur de la grâce divine (baraka).

Émergence de confréries organisées

A partir du XII ème siècle, ce mouvement s'est structuré et institutionnalisé en « confréries » ou « voies » (turuq, pluriel de tarîqa), créées par de grands saints musulmans chargés de transmettre leur enseignement1. Une tarîqa désigne alors aujourd'hui un ensemble de personnes qui partagent, à travers l'initiation reçue d'un maître (cheikh), la même « sensibilité spirituelle » héritée des fondateurs de la confrérie2. Pour n'en nommer que quelques-unes, nous pouvons citer la tarîqa Aïssâwiyya, Alâwiyya, Shâdhiliyya, Bektachiya, Qadiriyya, Nématollahi, Naqshbandiyya, etc.

La diffusion du soufisme dans le monde musulman

Dans les divers pays où il a été introduit, le soufisme s'est adapté aux modes de vie locaux et a emprunté aux croyances locales des éléments doctrinaux et rituels. Par exemple dans les Balkans, où le soufisme s'est introduit au XVème siècle, les cultes chrétiens et musulmans se mêlent et se confondent à travers des saints communs. En Afrique subsaharienne, le soufisme peut mêler maraboutisme et animisme, en Asie centrale, il s’entremêle parfois au chamanisme1. En puisant dans l'hindouisme et le zoroastrisme, les confréries soufies (provenant d'Iran et d'Asie centrale) qui se sont introduites en Inde ont fait émerger une importante littérature mystique en persan et en langues locales. C'est au XVIIème siècle que des grandes confréries soufies provenant d'Asie centrale, se sont installées dans les provinces centrales de Chine, en adaptant leur doctrine à la symbolique taoïste et bouddhique. Enfin, dans l'archipel indo-malais, c'est à partir du XVIème siècle que se sont introduites des confréries soufies.


La zâwiya comme lieu de dévotion et de sociabilité

Outre leur rôle proprement religieux, les confréries ont créé des lieux spécifiques de sociabilité : la zâwiya. Cet ensemble complexe aux fonctions multiples est souvent le lieu de résidence du cheikh de la confrérie et de sa famille. Chaque confrérie est rattachée à une zâwiya-mère construite par son saint fondateur.

Les fonctions de ce lieu varient d'une zâwiya à l'autre, mais elle comporte généralement une école coranique, des cellules de réclusion, un cimetière, le mausolée de cheikh-. Elle peut aussi être un lieu de prise en charge médicale1.

Toutefois, l'élément central de la zâwiya est la salle de prières où se déroulent les pratiques spirituelles collectives et individuelles tels que le samâ' ou le dhikr.

Les pratiques spirituelles, comme moyen de faire l'expérience du divin

A côté des prières canoniques obligatoires pour tous les musulmans, les soufis s'adonnent régulièrement à deux types de techniques contemplatives : le samâ' et le dhikr exécutées de différentes manières selon les maîtres spirituels1. Dans ces pratiques spirituelles, la musique et la danse occupent un rôle central car elles permettent aux adeptes de faire l'expérience du divin2.

La place de la musique et de la danse dans le soufisme

Contrairement à l'islam dominant qui le plus souvent la désapprouve, la musique occupe depuis toujours une place de prédilection dans le soufisme, qui considère son écoute comme un exercice entièrement spirituel censé amener ses auditeurs à l'extase1. En effet, la transe (wajd, en arabe), qui tient une grande place dans la quête de Dieu, s'obtient très souvent par la musique2.

Le samâ' (mot arabe, litt. « audition ») a donné naissance à de nombreux écrits traitant de la légitimité voire de la licéité de la musique et de la danse dans le contexte religieux musulman1. Dans ce débat, qui remonte aux premiers siècles de l'islam, nous repérons différentes prises de positions : tandis que certains l’interdisent totalement, d’autres tolèrent le chant mais bannissent l’utilisation de tout type d’instrument, d’autres encore autorisent le chant tout en suggérant la mise en vibration de tambours sur cadre et parfois même d’aérophones. Enfin, certains maîtres spirituels acceptent toutes formes et moyens musicaux y compris la danse.

Toutefois, il est très important de souligner que la licéité de la musique dans l'islam est étroitement liée à la disposition d'esprit dans laquelle nous nous trouvons pour l'écouter : « Ce qu'il est licite d'entendre, c'est ce qu'on entend lorsqu'on est soi-même dans un certain état de pureté du cœur. Ce n'est pas seulement ce qui est chanté ou joué qui compte. C'est la disposition dans laquelle on est pour l'écouter »1.


Références bibliographiques

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LA GHAÏTA

Aérophone - hautbois

La ghaïta est un aérophone (instrument dont la matière sonore vibrante est l'air) d'Afrique du Nord, de la famille des hautbois. Il est très sollicité notamment au Maroc et en Algérie pour jouer des répertoires populaires et sacrés. L'instrument est équipé d'une anche double en roseau (al-qasba). Jouée avec la technique du souffle continu, le musicien peut ainsi enchaîner des mélodies sans interruption. La ghaïta demande un long apprentissage, sa transmission s'effectue de maître à élève, par imitation et mémorisation. Le musicien qui la joue est le plus valorisé de la tâ`ifa (litt. “groupes”)

L'instrument s'apparente à la zurna répandue principalement en Turquie et en Syrie, au mizmâr présent au Liban et en Égypte. En Algérie, selon les régions, ce hautbois se nomme ghaïta ou zurna.

La longueur de la ghaïta peut varier entre 35 et 45 cm. Selon sa taille, l'instrument porte un nom différent. Le corps principal se présente sous la forme d'un tube conique évasé à son extrémité, d'un diamètre de 8 à 10 cm environ. Cette pièce est souvent tournée dans du bois d'olivier, d'abricotier ou de mûrier. Le tube comporte généralement 6 ou 7 trous et un supplémentaire est percé dans la partie inférieure pour le pouce. Trois autres trous, servant d'ouvertures, sont percés sur la partie évasée du corps.



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